"C’est du win-win" : sortir le Népal de la pauvreté
Des briques de terre abordables, respectueuses du climat, conçues "comme des Lego" : ce sont les principaux éléments de construction d’entrepreneurs sociaux au Népal, un pays en proie aux tremblements de terre. Build Up Nepal a déjà construit des milliers de maisons sûres, créé des emplois et procuré des revenus à des entrepreneurs locaux. Le projet a pu se développer grâce au soutien du Business Partnership Facility (BPF), dont la gestion opérationnelle est assurée la Fondation Roi Baudouin.
Lorsque les fondateurs de Build Up Nepal ont décidé de la meilleure façon d’aider au lendemain du tremblement de terre dévastateur de 2015, ils ont opté pour "un énorme pari, pas pour la voie sûre.”
Plus de 800.000 foyers furent détruits dans la catastrophe et les inondations qui suivirent - les familles rurales pauvres étant les plus sévèrement touchées. Au lieu d’utiliser l’argent récolté pour reconstruire quelques écoles ou maisons, les fondateurs Björn Söderberg et Bina Shrestha ont mis sur pied un businessmodel durable, dont l’impact serait beaucoup important.
Build Up Nepal facilite la construction de maisons écologiques, peu coûteuses et résistantes aux tremblements de terre, tout en créant des emplois et en tirant parti des investissements, des efforts et de la passion d’entrepreneurs et de résidents locaux. Au cœur de cette entreprise sociale : des briques de terre emboîtables, à faible degré de technicité, dont la production est 20 à 40% moins chère et consomme jusqu’à 60% de CO2 en moins que les briques cuites conventionnelles.
Le modèle de micro-entreprise a jusqu’à présent permis la construction de plus de 6.000 maisons dans 287 communautés et la création de près de 3.000 emplois.
Le projet s’est développé grâce au financement du programme BPF ‘Enterprises for SDGs’, qui soutient des entreprises innovantes qui contribuent à au moins un des Objectifs de Développement durable de l’ONU. En 2020, ce programme a accordé 130.000 euros à Build Up Nepal, lui permettant d’augmenter sa production, de soutenir plus de 100 nouveaux entrepreneurs et de s’étendre aux zones pauvres de l’ouest du Népal. L’argent sert aussi à mettre en place un système de marché qui soutient les micro-entreprises, à former davantage de maçons et à améliorer les machines.
"Des briques, pas du bambou"
"Les débuts n’ont pas été faciles", raconte Andreas Kölling, directeur général adjoint, qui faisait sa thèse au Népal grâce à une bourse de l’Agence suédoise de l’aide au développement, lorsque le séisme de 2015 s’est produit. Après avoir contacté Björn Söderberg et son épouse Bina, ils ont fondé ensemble Build Up Nepal et ont commencé à former des habitants d’une communauté marginalisée à la construction de maisons en bambou.
“Quand nous sommes revenus un mois plus tard, personne n’avait rien fait. Nous leur avons demandé : ‘Pourquoi voulez-vous continuer à vivre dans ce minuscule abri alors que nous vous avons montré comment construire une belle ?’ Mais ils ne voulaient pas de cela. Ils voulaient une maison en briques, car le bambou est considéré comme un matériau bas de gamme : il sert à construire des étables ou de petits entrepôts”.
"Notre première grande leçon a donc été la suivante : si nous voulons construire quelque chose à plus grande échelle, il ne faut pas seulement que les gens acceptent d’y vivre, mais aussi qu’ils en rêvent et qu’ils le souhaitent vraiment.”
Peu au fait des techniques de construction, les fondateurs se sont mis à surfer sur internet pour trouver comment construire de bonnes maisons à prix abordable. “Nous croyions toujours que le meilleur moyen était de former la population locale et d’utiliser des matériaux locaux. C’est alors que nous avons trouvé cette technique de brique de terre”, explique Andreas Kölling.
Les briques emboîtables (CSEB) sont fabriquées en mélangeant et en comprimant du sable, de la terre – ou de la poussière de pierre – et du ciment dans une machine. Les briques sont séchées, le ciment se fixe et se lie au sable pour les stabiliser, sans qu’il soit nécessaire d’utiliser un combustible pour les cuire. Elles s’empilent et s’emboîtent “comme des Lego”. Une combinaison de ciment, de barres et de bandes horizontales relie ensuite le tout pour créer une structure solide. “C’est très facile et très rapide. On peut également facilement former les gens à leur utilisation,” ajoute-t-il.
Ces briques étaient déjà utilisées en Inde et en Thaïlande, mais elles n’avaient encore jamais été essayées au Népal. Après une phase de test, le gouvernement népalais a approuvé la technologie en 2017.
Un moteur pour l’économie locale
“Depuis lors, nous avons commencé à travailler avec ce modèle entrepreneurial, que nous avons développé ces quatre dernières années et sur lequel le projet BPF s’est concentré,” dit Andreas Kölling.
Le modèle vise à “amorcer un moteur économique” dans chaque village. Build Up Nepal vend la machine pour fabriquer les briques à des entrepreneurs ruraux – il peut s’agir d’un couple, d’un individu, d’une association de jeunes ou d’un groupement de femmes – qui peuvent investir de l’argent et du temps dans une entreprise de construction locale.
Une fois l’entreprise établie, Build Up Nepal travaille avec des ONG et d’autres partenaires pour fournir un soutien, comme une formation en maçonnerie, le financement de contrôle qualité et d’autres formes de soutien à long terme.
Les familles à faibles revenus peuvent économiser jusqu’à 25% du coût habituel d’une petite maison et réaliser d’autres économies en achetant des matériaux ou en effectuant elles-mêmes certaines tâches peu qualifiées. Dans certains cas, leurs partenaires fournissent des maisons entièrement financées aux familles les plus vulnérables, comme des mères isolées ou des personnes âgées.
Et pour atteindre ses objectifs d’inclusion, Build Up Nepal offre des incitants pour que des femmes entrepreneurs, qui ont souvent moins accès aux financements, puissent elles aussi investir dans la machine.
L’une d’elles, Saraswati, provenant de Jogidada dans le centre du Népal, a déjà construit 35 maisons grâce à sa micro-entreprise. Selon elle, la demande augmente rapidement. “De nombreuses femmes me demandent comment elles peuvent devenir indépendantes, comme moi,” dit-elle.
Une autre, Parbati, affirme avoir récupéré son investissement en trois ou quatre mois. Elle a en outre convaincu d’autres de la rentabilité du processus et des possibilités d’emploi qu’il offre. “Notre village compte beaucoup de jeunes qui aspirent à trouver un emploi à l’étranger. Mais quand ils voient ceci, beaucoup veulent rester.”
Des entrepreneurs de la région
Andreas Kölling ajoute : “Ce qui nous anime, c’est l’impact social, environnemental et économique. Mais quand on discute avec des entrepreneurs potentiels, nous mettons l’accent sur la qualité du modèle commercial."
"Pour intensifier la reconstruction et le redressement à long terme, il faut que le secteur privé soit impliqué. La plus grande partie de l'investissement doit également provenir de la population locale, ce qui permet d'obtenir d'elle une motivation à 100 % pour s'y consacrer jour et nuit."
“Cela donne aussi plus d’impact pour le BPF. Si nous avons des entrepreneurs qui viennent de cette région, ils peuvent travailler à moindre frais. Ils disposent déjà un solide réseau social, ils savent où trouver les matériaux les moins chers, où trouver des maçons locaux, comment convaincre les autorités locales d’utiliser cette technique de construction... C’est du win-win.”
À propos du Business Partnership Facility
Le programme de soutien Business Partnership Facility ‘Enterprises for SDGs’, géré par la Coopération belge au Développement (DGD) et la Fondation Roi Baudouin, octroie des aides à des projets d’entreprises qui cherchent à atteindre au moins un des Objectifs de Développement durable (ODD), les 17 objectifs définis par les Nations unies pour éradiquer l’extrême pauvreté et rendre notre monde plus durable d’ici 2030. Le processus de sélection privilégie fortement la création d’emplois, l’amélioration de la condition des femmes, la diminution de l’impact environnemental ainsi que, bien sûr, la faisabilité économique durable et les possibilités de croissance ou de diffusion du modèle d’entreprise.
Avec sa 6e sélection au printemps 2021, le BPF a porté à 36 le nombre de projets d’entreprises soutenus, pour un financement total de près de 5,8 millions d’euros.
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