Récit

A Namur, l’accueil sans limite

Non loin de Namur, l’asbl ‘Les Trois Portes’ loue, presque sans condition, des logements à des personnes sans-abri au long parcours d’errance. Le Fonds Baronne Monique Van Oldeneel tot Oldenzeel, géré par la Fondation Roi Baudouin, a financé la construction de véritables chambres individuelles, favorisant l’autonomie des résidents.

« Ce n’est pas à la personne de s’adapter à nous. C’est à nous de nous adapter à la personne. » Pour Hélène Montluc, directrice du service de ‘stabilisation des personnes sans-abri’ au sein de l’asbl namuroise ‘Les Trois Portes’, la philosophie de ce service, unique en son genre, est assez claire : « Nous travaillons à la demande.» Ici, pas d’injonction au projet, mais plutôt l’offre d’une stabilité qui a tant manqué à ces personnes au long parcours d’errance. Entre la rue, les squats, le ballotage d’abri précaire en abri précaire. « S’ils veulent se reposer, eh bien qu’ils se reposent », ponctue Samantha Manila, éducatrice spécialisée au sein du service.

Le service, on le trouve dans deux maisons mitoyennes le long d’une route arborée qui descend vers Namur. Les bâtisses accueillent huit hommes, qui ont une chose en commun : leur parcours de vie. Tous ont traversé de longues périodes de sans-abrisme. Ils sont atteints de troubles de la santé mentale ou souffrent d’addictions à des drogues diverses, dont l’alcool. Un parcours chaotique, heurté, qui abîme. Parfois pour toujours.

Ce service ‘stabilisation’, ces maisons d’accueil dites ‘bas seuil’, ont d’abord été imaginées il y a plus de dix ans, « car il y avait un public qui, malgré l’offre de services, restait en rue. Ils avaient du mal à s’acclimater aux règles, retrace Hélène Montluc. Notre idée, c’était d’organiser un séjour préalable, pour préparer ce public aux maisons d’accueil. » En réalité, ces hommes aux vécus cabossés ne voulaient plus partir du ‘Rocher’ ou du ‘Réveil’, du nom des deux maisons du service, car ils s’y sentaient bien. « Ces personnes sans-abri ont besoin d’un peu de stabilité », ajoute la directrice. Le projet a donc évolué. Les locataires, qui s’acquittent chaque mois d’un loyer d’un peu plus de 400 euros, n’ont pas de durée limitée de séjour. Un des habitants s’y est installé en 2015. « Vu leur parcours de vie, c’est déjà tout un projet de respecter le lieu, de payer le loyer, de s’installer dans la durée », poursuit Hélène Montluc. Ce service opérationnalise donc les principes du ’housing first’ en proposant un logement, directement depuis la rue, à partir duquel tout devient enfin possible, au rythme de chacun.

Être au repos, vivre en autonomie

Cette possibilité d’enfin baisser la garde, Bernard, 64 ans, l’a particulièrement appréciée. « Ce qui m’a aidé, c’est de ne plus être en rue », dit-il, tout simplement. Il s’assoit dans la cuisine commune de la maison, et se remémore certains pans de sa vie. Jadis, Bernard avait un emploi, dans un CPAS bruxellois. Il y a plus de 40 ans. Une autre époque. C’est une « escroquerie », dont il fut la victime, qui a provoqué les galères, la chute, la perte de tout, ou presque. Il se souvient de « sept ou huit années en rue », peut-être plus. Des abris de nuit. D’un premier passage dans le service ‘stabilisation’. Et des nuits dehors.

Au sein de la maison, « il y a parfois des complications », reconnaît-il, souvent autour de la consommation d’alcool ou de drogues, qui n’y sont pas prohibées. Mais l’essentiel, « c’est d’avoir un toit, d’être à l’abri » ; et surtout, « d’être au repos et d’avoir la possibilité d’être autonome. Les résidents qui le demandent sont accompagnés par l’équipe. Moi, je me débrouille. » Après plus de deux ans passés au service ‘stabilisation’, Bernard ne compte pas s’éterniser. « Je préfère ne plus dépendre de personne », dit-il. Le service n’est donc pas un tremplin, ni forcément une transition. Il offre de l’apaisement, sans date limite. Les résidents peuvent toujours s’adresser à l’équipe, pour toute demande relative à l’administratif, à l’ouverture de droits, à la recherche d’un logement, d’une formation, au sujet des soins de santé mentale. « Nous n’imposons rien, mais nous suggérons beaucoup », enchaîne Samantha.

"L’objectif, c’est de permettre aux résidents de se sentir en sécurité et, peu à peu, de reprendre leur pouvoir d’agir."
Samantha Manila
éducatrice spécialisée du service de ‘stabilisation des personnes sans-abri’ au sein de l’asbl namuroise ‘Les Trois Portes’

La vie dans les deux maisons, est ‘semi-collective’. Les locataires se croisent dans les espaces communs, le salon, la cuisine. Chaque semaine, des tables rondes de résidents sont organisées avec les éducateurs, les éducatrices et les assistants sociaux du service, pour résoudre les difficultés de la vie en collectivité. Les huit résidents ont désormais leur propre chambre. C’est grâce à l’apport financier du Fonds Baronne Monique Van Oldeneel tot Oldenzeel que les alcôves dans le dortoir commun ont pu être transformées en véritables chambres individuelles, favorisant l’intimité. C’est aussi un pas de plus vers l’autonomie. Car pour Samantha Manila, « l’objectif, c’est de permettre aux résidents de se sentir en sécurité et, peu à peu, de reprendre leur pouvoir d’agir. »

A propos du Fonds Baronne Monique van Oldeneel tot Oldenzeel

Le Fonds Baronne Monique van Oldeneel tot Oldenzeel, géré par la Fondation Roi Baudouin, octroie un appui structurel et financier à des associations et des entreprises d’économie sociale qui œuvrent à l’amélioration des conditions de logement et de vie des personnes précarisées en Belgique. Par le biais d’appels à projets, le Fonds soutient tant des initiatives plus modestes que des projets d’achat, de rénovation et d’aménagement de logements destinés à accueillir des publics fragilisés en perte de repères, en vue de leur offrir un répit, de leur permettre de renforcer leur autonomie et de se reconstruire. Plus d’infos

A propos des dénombrements du sans-abrisme et de l’absence de chez-soi

Pour la quatrième année consécutive, la Fondation soutient les équipes de recherche de l’UCLouvain (CIRTES) et de la KULeuven (LUCAS) dans la réalisation de dénombrements du sans-abrisme et de l’absence de chez-soi en Belgique. Ceux-ci auront lieu le 20 octobre 2023. Plus d'infos

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