Live in color : favoriser l’intégration par le travail
Les migrants extra-européens installés en Belgique ont souvent d’énormes difficultés à trouver du travail. Chez Live in Color, on prouve chaque jour qu’il n’y a là aucune fatalité, bien au contraire ! Au centre de ce succès, Job Diversity, un programme soutenu par le Fonds MiJoRiJa, géré par la Fondation Roi Baudouin, qui vise l’apprentissage des codes culturels au travail et la déconstruction des préjugés.
Il ne fait pas bon, en Iran, s’engager en faveur de la défense des droits des femmes. Younes, 38 ans, en sait quelque chose. Il y a trois ans, ce logisticien de formation a dû quitter son pays natal. Son engagement ne lui aurait jamais permis de trouver un emploi convenable : toutes les portes lui restaient désespérément fermées. Reconnu réfugié politique en Belgique, il dispose aujourd’hui d’un titre de séjour et d’un permis de travail délivré par les autorités. Il ne lui reste ‘plus qu’à’ décrocher un job. Oui mais… comment faire lorsqu’on débarque dans un pays inconnu dont on ne maîtrise ni la langue, ni les habitudes, ni les codes sociaux ?
Live in Color, une asbl qui vise l’intégration et l’éducation des personnes issues de l’immigration, a créé, il y a trois ans, une initiative destinée à rencontrer ce genre de problème. Son nom : Job Diversity. “La situation est paradoxale”, commente Nadine Lino, fondatrice et cheville ouvrière de l’asbl, située à Liège. “Les associations spécialisées dans l’accueil des migrants se plaignent de la difficulté de leur public à trouver un emploi, essentiellement en raison d’un climat de méfiance et de discrimination à leur égard, ou d’une absence de maîtrise de la langue. Or, quantité d’entreprises se plaignent, de leur côté, de ne pas trouver de personnel qualifié, et cela bien au-delà des secteurs de l’Horeca ou de la construction. Il ne faut pas exagérer les difficultés liées à l’intégration au travail : c’est, notamment, par l’immersion professionnelle qu’on progresse dans la maîtrise de la langue.”
Une question de regards
La pratique du français n’est pas tout. Encore faut-il maîtriser les codes nécessaires au décrochage d’un job. Chaque candidat.e impliqué dans Job Diversity est accompagné.e pendant trois mois via une formation d’une centaine d’heures destinée à se familiariser aux codes du monde du travail. Exemple : alors qu’en Belgique – comme ailleurs en Europe – il est de bon ton de regarder son recruteur en face, cette attitude est perçue comme insolente dans de nombreux pays africains et/ou arabes. Autre exemple : en Belgique, la demande de nombreux employeurs ne repose pas seulement sur la capacité à remplir des tâches professionnelles explicites, mais aussi implicites, comme partager un esprit d’équipe, manifester une certaine convivialité… Ces exigences et ces habitudes provoquent parfois l’étonnement et le désarroi de personnes issues d’autres cultures.
Après les cours collectifs, riches en échanges et en jeux de rôles, démarre l’intervention d’un.e ‘job coach’ qui accompagne chaque personne individuellement dans sa recherche d’emploi : rédaction d’un CV et d’une lettre de motivation, réalisation d’une vidéo de présentation, préparation aux interviews... Objectif prioritaire : renforcer la confiance en soi face au marché du travail.
Richesse pour les entreprises
Nadine Lino porte un regard lucide sur le monde de l’entreprise et l’évolution sociétale. “Accueillir la diversité interculturelle reste une démarche qui fait peur à bien des employeurs. Mais le monde bouge énormément. Lors des lancements de marchés publics et privés, par exemple, il est de plus en plus souvent demandé aux entreprises ce qu’elles mettent en place en faveur de la diversité et de l’inclusion. De nombreuses études sérieuses, par ailleurs, ont démontré que s’inscrire dans une démarche d’innovation sociale augmente la productivité et la créativité du personnel.”
À cet égard, Job Diversity contribue à faire le pont avec des entreprises désireuses d’ouvrir leur porte à la diversité, qui ont ainsi l’opportunité de recruter des personnes motivées dans des secteurs où les candidats sont parfois peu nombreux. “Nous avons développé des partenariats solides avec des entreprises liégeoises”, poursuit la directrice. “Nous les encadrons dans le mise à l’emploi des personnes issues de l’immigration que nous accompagnons. Ces entreprises s’autorisent une expérience professionnelle, humaine et multiculturelle enrichissante, tout en répondant à leurs besoins de recrutement.” Une situation ‘gagnant-gagnant’ pour les deux parties.
Une motivation du tonnerre
Originaire du Yémen, Soumaya, 42 ans, vit en Belgique depuis trois ans. Autrefois diplomate dans son pays, elle a dû fuir la guerre civile avec sa fillette. Dans quelques jours, coachée par Live in Color, elle entamera un séjour d’immersion en français avec un partenaire de Live in Color, dont elle attend beaucoup. Dans un français épatant, mais dont elle tord encore la prononciation des mots, elle explique être tombée amoureuse de la Belgique dès son arrivée. “Nos candidats à l’emploi ont une réelle volonté de sortir de la dépendance de l’aide sociale”, commente Nadine Lino. La directrice de l’association sait qu’avec un peu de chance, Soumaya aura trouvé du travail dans quelques semaines. Et qu’elle rejoindra la centaine de migrants extra-européens qui ont déjà décroché un premier emploi en Belgique francophone, grâce à l’intervention de Live in Colour.
À propos du Fonds MiJoRiJa
Géré par la Fondation Roi Baudouin, le Fonds MiJoRiJa mise sur une approche positive de la migration chez les jeunes. Le Fonds soutient des projets qui favorisent l’intégration de ces jeunes dans la société, en les aidant à développer leurs compétences à et suivre une formation. Le programme Job Diversity de l’asbl Live in Color est l’un des projets soutenus.