La recherche sur l’asthme permettra-t-elle d’améliorer le traitement en cas de complications de la mucoviscidose ?
Bon nombre de malades de la mucoviscidose souffrent de complications dues à une surréaction aux spores fongiques dans leurs voies respiratoires. Une avancée récente dans la recherche sur l’asthme peut-elle aider à mieux comprendre ces complications et améliorer la qualité de vie des patients ? Le prof. dr. Eva Van Braeckel, pneumologue attachée à l’UGent et l’UZGent, explique dans sa recherche menée avec son collègue le prof. dr. Bart Lambrecht (VIB-UGent et UZGent) à quoi sert le soutien financier qu’elle a obtenu du Fonds Alphonse et Jean Forton, géré par la Fondation Roi Baudouin, et de l’Association belge de Lutte contre la Mucoviscidose.
Inspirer, expirer. Une opération que nous effectuons des millions de fois sans réfléchir au nombre de micro-organismes que nous inhalons chaque fois et que – avec des poumons sains – nous expirons en grande partie. Pour les personnes atteintes de mucoviscidose, cette opération ne va pourtant pas de soi. La couche de mucus visqueux présente dans leurs poumons constitue en effet un biotope idéal pour ces micro-organismes, tels que des bactéries et des moisissures. Comme le disent les professionnels : leurs voies respiratoires – qui se détériorent de plus en plus à cause de cet épais mucus et des nombreuses infections – sont colonisées par des micro-organismes.
“Chez certains, ces micro-organismes restent à l’état de repos. Chez d’autres, ils sont sources d’infections. Mais on estime que, pour dix à vingt pour cent des patients atteints de mucoviscidose, les voies respiratoires endommagées surréagissent aux spores fongiques inhalés, dans une sorte de réaction allergique”, explique le dr. Van Braeckel. “L’exposition aux moisissures, qui sont présentes partout dans notre environnement, entraîne une réaction inflammatoire inadéquate : le mécanisme de défense provoque même des dégâts.”
Traitement invalidant
C’est la réaction redoutée dite ‘ABPA’ : aspergillose bronchopulmonaire allergique. Redoutée à la fois parce que le diagnostic est très difficile à poser et le traitement, très invalidant, poursuit le dr. Van Braeckel : “Il n’y a pas de ‘marqueur’ clair pour l’ABPA, pas de substance unique qui ‘trahit’ sa présence. La simple présence de la moisissure n’est pas déterminante : beaucoup de patients en ont dans leurs voies respiratoires, sans pour autant développer d’ABPA. On voit donc un patient chez qui la fonction pulmonaire se détériore et qui présente plus de symptômes, mais il faut chercher la cause. Ce n’est qu’après avoir éliminé d’autres explications qu’on émet l’hypothèse d’une ABPA.”
Une fois le diagnostic posé, le traitement est presque aussi lourd que le mal. “Nous devons généralement traiter le patient à la cortisone parce que des caillots très durs de mucus bouchent les voies respiratoires. Les effets secondaires ne sont pas négligeables : développement plus rapide de diabète et d’ostéoporose, effets psychologiques et autres.”
Le besoin est donc double : accélérer et simplifier la manière de poser le diagnostic, et trouver un traitement ayant moins d’effets secondaires.
Comme neige au soleil
Le dr. Van Braeckel espère être sur une bonne piste. Elle souligne l’importance de la collaboration multidisciplinaire avec l’équipe de son collègue, le pneumologue prof. dr. Bart Lambrecht (VIB-UGent et UZGent), spécialisé dans les recherches sur l’asthme et les inflammations. “Ils ont récemment réalisé une avancée majeure : ils ont déchiffré la structure de cristaux qui jouent un rôle important dans l’asthme et ont réussi à créer des anticorps qui dissolvent ces cristaux. C’est une vision spectaculaire : les cristaux fondent comme neige au soleil.”
Est-ce un pont entre l’asthme et la mucoviscidose ? On retrouve ces mêmes cristaux, dits de Charcot-Leyden, en grands nombres dans les caillots de mucus des patients souffrant d’ABPA. “Première question pour la recherche : la présence de ces cristaux pourrait-elle ‘trahir’ une ABPA chez le patient ? Cela faciliterait sensiblement le diagnostic, car nous avons déjà une technique fiable pour détecter les cristaux. Deuxième question : est-ce une piste menant à un traitement, avec les mêmes anticorps ?”
Recherche ‘ex vivo’
Avec le budget alloué par le Fonds Forton, le dr. Van Braeckel et ses collègues financent la recherche ‘ex vivo’ : on travaille avec du véritable ‘matériel’ de patients’– c’est-à-dire des expectorations ou du mucus venant du plus profond des voies respiratoires – mais on examine en dehors du corps, en laboratoire, quelle est la composition exacte des caillots qui bloquent les voies respiratoires et quels sont les effets des anticorps. Si cela donne de bons résultats, il s’en suit des recherches cliniques sur les effets lorsque ces substances sont administrées au patient, par exemple par brumisation (aérosols) dans les voies respiratoires.
La recherche ex vivo n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. “Les techniques pour décrypter entièrement la composition des caillots et le développement des anticorps exigent beaucoup d’efforts et de moyens. Pour pouvoir démontrer le lien entre les cristaux et l’ABPA, nous devons idéalement extraire le matériel des voies respiratoires les plus profondes, ce qui implique souvent d’aller rechercher les caillots existants, guidés par un scan et avec un bronchoscope spécial ultrafin. Nous devons en effet être sûrs du type de mucus qui est typique de l’ABPA. En plus, il faut des recherches sur un groupe de contrôle de personnes qui ont des spores fongiques dans les poumons, mais pas d’ABPA.”
Calendrier
Le calendrier de la recherche dépend du nombre de patients atteints d’ABPA qui seront prêts à participer à la recherche. Il faudra sans doute deux à trois ans avant d’avoir suffisamment de participants et il faudra aussi collaborer avec d’autres centres spécialisés dans la mucoviscidose. Si un médicament est trouvé un jour, ce ne sera pas avant au moins dix ans. “Mais avec une maladie rare comme la mucoviscidose, il est courant qu’on propose le traitement à un grand nombre de patients en cours de recherche.”
Ces dernières années, la recherche sur les moyens pour s’attaquer à la source de la mucoviscidose bat son plein et donne de nombreux résultats encourageants. Pour autant, il n’est pas inutile de rechercher en même temps un traitement pour la complication qu’est l’ABPA. “Pour 90% des patients, on est en train d’élaborer des thérapies qui agissent sur les altérations des protéines responsables de la mucoviscidose, ce qu’on appelle les modulateurs CFTR. Mais les patients qui sont sensibles à l’ABPA et qui reçoivent déjà de tels traitements, dans le cadre ou non d’une étude clinique, voient certes le mucus visqueux et les infections se réduire fortement, mais ne sont pas pour autant débarrassés de l’ABPA. À cause des dégâts qu’elles ont subis, leurs voies respiratoires continuent à surréagir aux spores fongiques. Donc même si, d’ici quelques années, on pourra intervenir rapidement sur la cause de la maladie chez de jeunes enfants, il restera encore beaucoup de patients plus âgés – six malades de la mucoviscidose sur dix sont des adultes – pour lesquels un traitement moins invalidant de l’ABPA serait le bienvenu.”
À propos des bailleurs de fonds
C'est la deuxième fois que le Fonds Forton et l’Association Belge de Lutte contre la Mucoviscidose unissent leurs forces dans le cadre d’un appel à projets commun. Six équipes de recherche universitaires reçoivent un soutien financier – au total près de 1,4 million d’euros leur est alloué. Le Fonds Alphonse et Jean Forton a été créé il y a plus de 20 ans, dans le but de soutenir la recherche sur la mucoviscidose et les maladies apparentées. Au fil des ans, ce fonds philanthropique, géré par la Fondation Roi Baudouin, a alloué plus de 9 millions d’euros au financement de projets de recherche. L’Association Belge de Lutte contre la Mucoviscidose est l’association des et pour les personnes atteintes de mucoviscidose, ainsi que leurs familles. Fondée en 1966, l'association développe des initiatives qui soutiennent les patients et leurs familles ou améliorent leur qualité de vie. Elle apporte aussi un soutien financier à des projets de recherche innovants.
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