Récit

Les cuistots solidaires, aider les réfugié.es et conquérir les cœurs

Depuis 2015, le collectif citoyen ‘cuistots solidaires’ distribue de la nourriture aux migrant.es et réfugié.es arrivé.es en Belgique. Pendant la crise sanitaire, ces citoyen.nes solidaires ont poursuivi leur démarche d’entraide, avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin. Tous les jeudis, ils/elles assurent la distribution de repas pour quelque 300 personnes à Bruxelles.

Les deux files s'étirent le long du canal, à Bruxelles. Quai des péniches, plusieurs centaines de migrant.es et réfugié.es attendent leur tour. Ils/elles arborent des masques et ne montrent aucun signe d'impatience. Un jeune homme de la Croix-Rouge veille à maintenir la distanciation physique. Tou.tes attendent la distribution de nourriture proposée par le collectif citoyen ‘Cuistots solidaires’.

Parmi eux/elles, Jalal et Motassim. Ils ont tous les deux quitté le Soudan. Jalal n'a que 18 ans. Il était coincé en France pendant le confinement et a repris son chemin récemment. Motassim rêve d'Angleterre mais n'écarte pas la possibilité de rester en Belgique. Tous deux dorment dehors depuis leur arrivée à Bruxelles. Ils montrent un petit parc en face du quai des péniches. "Il y fait vraiment très froid la nuit, même si c’est presque l’été", déplore Jalal.

Vu l’âpreté de leurs conditions de vie, ils n'ont pas d'autre choix que de s'alimenter ici. Le repas chaud, aujourd'hui, est fait de semoule, de légumes bio et de poulet. "C'est bien pour survivre", dit Jalal. Sous un grand auvent métallique, la distribution continue. Rapide. "En quarante minutes, ce sont 250 à 300 personnes qui s'approvisionnent ici", explique Claudio Guthmann, le fondateur du collectif, par ailleurs interprète au sein des institutions européennes.

Un socle de bénévoles

Les cuistots solidaires ont été créés en 2015. À l’époque, des milliers de demandeurs d'asile affluaient en Europe et en Belgique, souvent depuis la Syrie. Beaucoup dormaient à même le sol du parc Maximilien. "Nous étions un petit groupe de personnes concernées par cette arrivée de réfugiés et nous voulions faire quelque chose", se remémore Claudio Guthmann. "J’ai moi-même quitté l’Argentine avec mes parents pour fuir la dictature dans les années 1970, par exemple. Cela explique peut-être en partie pourquoi nous sommes sensibles à cette question même si beaucoup de Belges font aussi partie du groupe". Aujourd’hui, les migrant.es viennent de la corne de l’Afrique, du Moyen-Orient, parfois même d’Amérique centrale. La plupart ne demandent pas l’asile ici. Certain.es attendent leur tour pour traverser la Manche. Mais l’enjeu est le même pour les bénévoles : venir en aide à ces personnes exilées qui n’ont pas accès aux aides officielles.

En 2015, Claudio et ses amis dégainent leur téléphone et contactent d’autres amis, puis des amis d'amis. C’est ainsi que ce réseau d'entraide, qui place la solidarité au cœur de ses activités, s'est constitué sur un socle solide de bénévolat et de bonne volonté.

Avec la crise du COVID-19, les cuistots solidaires ont vu affluer de nombreuses personnes dans le besoin, mais également de nouveaux bénévoles, venus prêter main forte à la cinquantaine de volontaires habituellement actifs. Parmi eux, Fathy, ‘en temps normal’ coach sportif à Bruxelles. "J’avais beaucoup de temps libre pendant le confinement. Une amie m’a suggéré de donner un coup de main, et c’est ce que je fais", dit-il en tendant des sandwiches. "Mon objectif, c’était d’aller à la rencontre des bénéficiaires. Je parle arabe, cela me permet de communiquer avec eux. Et j’ai surtout vu des gens très blessés par leur parcours, des gens qui n’arrivent pas à nous regarder dans les yeux, car c’est difficile pour eux d’avoir tout lâché et de se retrouver à attendre pour de la nourriture". Alors que la Belgique se déconfine, que les salles de sport rouvrent au compte-gouttes, Fathy va reprendre son activité professionnelle, mais il continuera d’aider les cuistots solidaires.

Conquérir les cœurs

D’ordinaire, les cuistots solidaires distribuent des tartines, fruits, gâteaux et boissons les mercredis et jeudis matin au parc Maximilien et devant l’Office des étrangers. Le collectif coordonne les distributions de petits-déjeuners, le week-end, au centre d’accueil d’urgence la porte d’Ulysse. Un autre groupe distribue deux soirs par semaine des repas chauds aux migrant.es et réfugié.es du parc. Confinement oblige, ces habitudes ont été bouleversées. Chaque jeudi, le groupe des repas chauds vient proposer ses mets à midi en sus des autres victuailles des cuistots solidaires.

Ce groupe, c’est Nati qui le coordonne. Elle est pensionnée et fait partie des cuistots solidaires depuis le début. Avec ses comparses, le mercredi soir, elle prépare le plat du lendemain. "Nous avons un petit groupe d’éplucheuses qui nous épluchent des kilos de légumes", raconte Nati. Elle tend une barquette chaude à un jeune homme. "Ces barquettes sont bio-dégradables. Nous avons pu les acheter grâce au soutien de la Fondation Roi Baudouin". Les cuistots solidaires ont en effet reçu une aide de 10.000 euros dans le cadre d’un appel d’urgence de la Fondation lié à la crise du COVID-19. "Grâce à cet argent, nous avons pu acheter du matériel, de nouvelles tables pliantes et des thermos", détaille Claudio. Et si le collectif reçoit des dons – chaque semaine le marché bio des tanneurs offre un bon d’achat d’environ 100 euros au collectif – les cuistots doivent tout de même acheter de la nourriture. De la viande, des confitures, du café, du sucre. Le soutien de la Fondation facilite ces achats de base.

"Nous apportons une aide alimentaire et un peu d’humanité à des personnes en situation d’extrême vulnérabilité."
Claudio Guthmann
Fondateur du collectif citoyen ‘cuistots solidaires’

Outre l’aide alimentaire, les cuistots solidaires contribuent aussi à apporter un peu d’humanité à des personnes qui vivent en situation d’extrême vulnérabilité. "Aller à la rencontre de l’autre permet de créer des liens, de lutter contre le préjugés. Au final, notre action œuvre aussi à conquérir les cœurs".

À propos de l’appel d’urgence ‘COVID-19 : personnes précarisées’

Dans le cadre de la crise sanitaire liée au coronavirus, la Fondation Roi Baudouin a lancé rapidement un appel d’urgence destiné aux organisations de lutte contre la pauvreté et le sans-abrisme, au moyen d'une procédure accélérée et allégée. Objectif : que les publics vulnérables avec lesquels ces organisations travaillent, et qui sont gravement touchés par la crise du COVID-19, puissent continuer à être aidés. Les organisations sélectionnées ont bénéficié d’un soutien forfaitaire de 10.000 euros. Le collectif citoyen ‘cuistots solidaires’ figure parmi les bénéficiaires de cet appel.

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