Pour que l’épilepsie sorte de l’ombre au Rwanda
Le Rwanda compte un nombre de cas d’épilepsie supérieur à la moyenne. Mais la lutte contre la maladie se heurte à un double obstacle : une méconnaissance de la nature de cette pathologie et un manque criant de neurologues pour établir un diagnostic adéquat et prescrire un traitement. Le UCB Societal Responsibility Fund, géré par la Fondation Roi Baudouin, contribue à surmonter ces deux obstacles.
C’est une ancienne collaboratrice de l’entreprise pharmaceutique UCB qui a allumé la mèche. Lors d’un séjour à Lubumbashi, où elle rendait visite à sa famille, elle a constaté avec stupeur comment un homme atteint d’une crise d’épilepsie était abandonné à son sort. UCB étant spécialisée dans les maladies immunologiques et neurologiques, dont l’épilepsie, elle a demandé si l’entreprise ne pouvait pas soutenir des projets scientifiques pour les patients épileptiques dans les pays pauvres.
C’est devenu la mission du département UCB Corporate Societal Responsibility qui, après quelques années de fonctionnement, s’est adressé en 2013 à la Fondation Roi Baudouin pour qu’elle l’aide dans sa gestion. Ainsi est né le UCB Societal Responsability Fund. Pendant douze ans, UCB a soutenu les consultations pour épileptiques des centres neuropsychiatriques des Frères de la Charité, au Congo et, de l’autre côté de la frontière, au Rwanda. L’une des premières priorités a été de dispenser une formation pour neurologues au Rwanda. Au lancement du Societal Responsibility Fund, on ne dénombrait qu’un seul neurologue, le docteur Fidèle Sebera, dans ce pays de 11 millions d’habitants.
Malédiction ou empoisonnement
“Mon agenda, c’était une histoire de fou”, raconte le Dr. Sebera au téléphone depuis Kigali. “L’épilepsie est proportionnellement fréquente au Rwanda, mais n’est traditionnellement pas perçue comme une maladie. Pour de nombreux Rwandais, les crises d’épilepsie sont la conséquence d’une malédiction ou d’une tentative d’empoisonnement.” Ou bien ils pensent que c’est contagieux. “Les patients épileptiques sont stigmatisés, marginalisés et rejetés.” Ils ne se rendent chez le médecin que lorsque leur état est très grave. Ou bien ils cherchent de l’aide auprès de guérisseurs traditionnels, qui leur font parfois plus de mal que de bien, en tout cas sur le plan physique.
Les services de santé et les hôpitaux de district n’avaient ni l’expertise du diagnostic et du traitement, ni accès aux bons médicaments pour pouvoir soigner ces patients de manière adéquate. Et en tant qu’unique neurologue du pays, le docteur Sebera ne pouvait pas faire de miracles depuis la capitale, Kigali. “Depuis lors, il a été rejoint par deux collègues, dont l’un a été formé à Dakar, avec l’aide du Fonds. Et aujourd’hui, trois autres médecins rwandais sont en formation à l’Université Cheik anta Diop à Dakar (Sénégal)”, indique le docteur Dirk Teuwen, chef du département Medical Sustainability chez UCB.
Formation académique
Trois neurologues, c’est un progrès pour le Rwanda. “Mais cela se fait trop au compte-gouttes”, dit Dirk Teuwen. C’est pourquoi il a rencontré les autorités rwandaises, pour le compte du UCB Societal Responsibility Fund, afin d’élaborer un nouveau projet capable de booster sérieusement le nombre de neurologues au Rwanda. Car c’est cela que fait le Fonds : accroître la capacité humaine, médicale et technique par des formations, l’accès aux médicaments et aux moyens techniques, et le soutien à la recherche scientifique.
Dirk Teuwen a mis au point une formation académique en neurologie pour l’université du Rwanda. Le contenu est défini en collaboration avec le professeur Paul Boon, chef de service Neurologie à l’UZ Gent, et ses collègues. D’ici 2025 à 2028, seize neurologues, qui partiront travailler aux quatre coins du pays, viendront encore s’ajouter. Par ailleurs, le Fonds a aussi dégagé un budget de 800.000 à 900.000 euros pour aider l’Hôpital King Faisal à Kigali, qui dispose du seul équipement public d’IRM du pays, à installer des salles de réunion, des locaux de classe, une unité neuro-vasculaire (stroke unit) et une unité d’électroencéphalographie.
Sensibilisation dans les villages
Ces dernières années, une formation sur l’épilepsie a aussi été développée à destination des médecins des hôpitaux de district et du personnel soignant des centres de santé. Cela s’est fait en collaboration avec l’Organisation Rwandaise contre l’Épilepsie, présidée par le docteur Sebera, et avec le soutien du Fonds. La population a aussi été sensibilisée dans les nombreux villages. “La clé dans les communautés locales, ce sont les agents de santé. Nous leur faisons mieux connaître l’épilepsie afin qu’ils puissent eux-mêmes donner des informations sur la maladie, détecter des cas à temps et les orienter vers un centre de santé ou un hôpital”, dit Dirk Teuwen. “Les soignants traditionnels, ou ‘tradipracticiens’, sont aussi familiarisés avec les principes de base de l’épilepsie.”
Dépression
Le UCB Societal Responsibility Fund soutient également a recherche scientifique au Rwanda. Celle-ci s’intéresse non seulement à l’épilepsie mais aussi à d’autres maladies neurologiques telles que les CVA ou Parkinson. Fidele Sebera est lui-même en train de finaliser son doctorat sur la dépression parmi les patients épileptiques : le Fonds a financé le travail de terrain effectué par des collaborateurs parce qu’avec ses multiples consultations et réunions, le neurologue n’avait pas le temps de le faire lui-même. L’analyse statistique détaillée des données d’un millier de patients s’est faite en Belgique, également avec le soutien du Fonds.
“30% des patients épileptiques sont aussi confrontés à la dépression”, dit le Dr. Fidèle Sebera. “Les conséquences sociales de leur épilepsie y contribuent certainement. En raison de cette dépression, ils ne se font pas soigner. Il est donc important de les détecter à temps de manière à pouvoir traiter les deux pathologies en même temps et à sortir ces gens de l’oubli.”
À propos du UCB Societal Responsability Fund
Le UCB Societal Responsability Fund œuvre pour favoriser l’accès à des soins neurologiques de qualité pour des personnes souffrant d’épilepsie dans les pays d’Afrique à faibles et à moyens revenus. Depuis sa création en 2013, le Fonds a soutenu des projets liés à l’épilepsie de quatre organisations au Rwanda, en Ouganda, en RD Congo et à Madagascar, pour un total de2,8 millions d’euros.
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