Une Bulle d’air pour jeunes en galère
Durant trois jours, des jeunes s’échappent en pleine nature, à l’écart de leur famille et de leur école. Le but de cette ‘Bulle d’R’ : éviter les exclusions scolaires. Ce projet, imaginé par l’asbl La Chaloupe, a reçu le soutien de la Fondation Roi Baudouin dans le cadre de l’appel ‘Aide à la jeunesse et santé mentale’.
En ce jeudi, un adolescent de 13 ans pêche au bord d’un étang, non loin de Villers-la-Ville, casquette vissée sur la tête. L’hameçon est immobile. "Ça ne mord pas, mais on a quand même déjà attrapé quatre truites", affirme Basile. S’il n’est pas sur les bancs de l’école en ce mois de juin, alors que les examens se profilent, c’est qu’il prend une ‘bulle d’air’. Un peu d’oxygène pour éviter l’essoufflement, et même l’explosion, en milieu scolaire.
Durant trois jours, Basile marche beaucoup, fait de la boxe, du yoga et de la pêche, accompagné d’un éducateur de La Chaloupe, un service d’aide en milieu ouvert, dont le travail est axé sur la prévention et l’aide aux jeunes. "Tout ça c’est fatigant, parfois difficile, mais c’est un peu l’idée", explique l’adolescent. "Ici, on est là pour souffler, pour se libérer." Car l’école, parfois, est suffocante. Basile a enchaîné les mauvais résultats et les moqueries de certains camarades. Il rêve de jury central et d’école à domicile. "Avec ‘Bulle d’R’, on voulait casser le cercle vicieux, offrir une parenthèse", témoigne Pierre Cantraine, éducateur à La Chaloupe. "On retire les jeunes de la vie familiale et scolaire. On essaye d’intervenir avant la rupture."
Faire baisser la pression
"En 2016, plusieurs jeunes sont venus nous voir après avoir été exclus de leur école en deuxième secondaire. Cela nous a beaucoup interpelés", raconte Anne-Catherine Verhulst, directrice adjointe de l’association. Des élèves un peu perdus, parfois chahuteurs. Des professeurs dépassés qui répondent à coups de punition. Des élèves qui se braquent un peu plus. La tension monte. Parfois jusqu’à l’exclusion de l’établissement. L’une des possibles explications qu’avance Anne-Catherine Verhulst, c’est l’absence de redoublement en fin de première année et le coup de pression qui s’ensuit l’année suivante, générateur de frictions.
L’équipe du service d’aide imagine alors une intervention préventive. Un break court et intense en autonomie, en pleine nature, pendant trois jours et deux nuits, pour faire baisser la pression, calmer le jeu. Le jeune et l’éducateur sont unis dans l’effort. Ces trois jours sont faits de longues marches, bien sûr, mais surtout d’échanges, de réflexions sur la vie, sur les projets du jeune, son rapport à l’école, le tout entrecoupé de temps morts, quasi-méditatifs, et d’observations de la nature. "Les trois jours de rupture permettent de créer une relation intense", ajoute Pierre Cantraine. "D’ouvrir la discussion, parfois sur des sujets très profonds. Cela permet de mieux appréhender la problématique du jeune."
Ces longues marches ont lieu de janvier à mai. Il fait souvent froid, les conditions sont rudes. "Le dépassement physique fait partie intégrante du projet. Les jeunes voient qu’on galère aussi, cela les met en confiance", poursuit l’éducateur. Le soir, le binôme retrouve un autre binôme ‘jeune-éducateur’ pour le repas et la nuit. Il faut couper du bois, préparer à manger. Le repos a lieu parfois en tente, mais plus généralement dans une cabane des environs de Nassogne, au confort spartiate.
Le soutien de la Fondation Roi Baudouin dont a bénéficié le projet a permis d’aider financièrement les jeunes qui ne peuvent s’acquitter des 50 euros de participation, et d’acheter du matériel pour aménager la cabane, des tentes lorsque l’expédition vire au camping sauvage, des bottes de marche, des sacs et des K-Ways.
Montrer qu’il existe d’autres voies
"L’objectif de ‘Bulle d’R’, c’est de proposer une désescalade, d’agir avant que cela bascule dans quelque chose de plus conflictuel", décrit la directrice-adjointe de La Chaloupe. Et dans ce tableau, le rôle des écoles et important. À l’issue des trois jours, le jeune, l’éducateur de l’association, les parents et des référents scolaires – direction, professeurs ou éducateurs – se réunissent pour évoquer la situation du jeune et son regard sur la situation difficile qu’il traverse.
Covid-19 oblige, la formule de base est temporairement remplacée par des excursions de jour, avec retour au domicile en soirée. "L’idée du dépassement de soi est toujours là", rassure Pierre Cantraine, même si l’expérience est moins totale.
Quant à la pêche, elle sert de prétexte à l’introspection. À quelques pas de Basile, on trouve Thomas, qui semble à l’aise la cane en mains. Passionné de faucons, le jeune homme s’y connait en dressage et en nourrissage, et rêve de devenir fauconnier. L’école, il la voit comme un obstacle. "Je suis chez ‘Bulle d’R’ pour m’aérer la tête et souffler", dit le jeune homme. "À l’école, je tourne un peu au ralenti. J’ai été en conflit avec les professeurs. Ils pensaient que je ne voulais rien faire, ils ont finalement compris que ce n’était pas le cas." Il espère quitter le secondaire ordinaire et suivre un cursus professionnel en ébénisterie. "Ce n’est pas vraiment ma passion, mais au moins cela m’intéresse, et je pourrai construire des volières." Thomas est tout à son rêve de faucons. Il a trouvé chez ‘Bulle d’R’ une oreille attentive et compréhensive. "Hier on a fait une longue rando, puis de la boxe, c’était top". Une véritable bulle d’oxygène.
À propos de l’appel ‘Aide à la jeunesse et santé mentale’
En 2018 et 2019, le partenariat Fonds Julie Renson – Fonds Reine Fabiola – Fondation Roi Baudouin a lancé deux appels à projets destinés à favoriser la collaboration entre les secteurs de la santé mentale et de l’Aide à la Jeunesse en Fédération Wallonie-Bruxelles. Au total, 40 initiatives ont bénéficié d’un soutien total de 465.891 euros, parmi lesquelles le projet ‘Bulle d’R’ de l’asbl La Chaloupe.
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